Deprived
~Ivan de Monbrison
French below
the vastness set up within the distance of those things that can’t be expected any longer
but silence is on the other side
I don’t know anymore
I’ve forgotten your name
I look at the sky
the clouds come and go one after the other and then are taken off like clothes
clothes of clouds
the sea
we won’t go any further away because the door is closed now and no one is speaking now in the room
yesterday I saw you again for a short while wandering on the other side of the mirror there was nothing to say and nothing to think about
silence is but pain
someone has been whispering quietly but I don’t know about what maybe it’s a poem maybe it’s just vacuity itself maybe it’s asceticism maybe it’s the overflowing of a vase full of water just when someone’s put some flowers in it
there are paintings hanging all over the wall facing me as I am sitting now on a rattan chair and I count them down one two three four five six seven eight nine ten eleven twelve thirteen fourteen fifteen sixteen
there are sixteen paintings hanging on the wall and then there is a lamp picked up yesterday in the street and there also is the unmade bed and the clothes which have fallen on the floor by themselves during the night and they look like dislocated corpses left there after walking silently all night long
there is also
an old teapot bought from gypsies at a flea market where only the poorest usually go to there is a bit of solitude there too and above all I imagine a skinless piece of myself
we’ve lost the habit of being ourselves we’ve lost the habit of thinking we’ve lost the habit of dying we’ve lost the habit of loving we will still not go any further because the door has remained closed and there is nothing left anymore nothing left to do nothing left in order to forget
I’ve stored silence in a bottomless box I’ve stored this box in a drawer I’ve closed the drawer so that silence will remain locked up for quite a while a bit like a treasure like the only treasure of the lost moment of a moment suspended inside vacuity itself held up within the time of just a minute picked up among many others and placed into space like an isolated word inside an uninterrupted sentence like the man himself lost among others himself being also uninterrupted like the immediacy of life passing away and which once forgotten can no longer be retrieved
I remember you as I look at your reflection which is melting inside the mirror a bit like in the darkness of the evening because if the mirror is one-way it actually can’t reflect anything the one-way mirror is dark like the pit of a grave where your corpse would have been discarded where I could if I wanted to be watching you slowly mutilate yourself and then slowly fading away slowly dissolving into the earth itself before turning still slowly into someone else or into someone’s single cell
there is nothing more to say
silence has been kept locked up in its box and even though I can hear now someone speaking here it is indeed not me speaking like this it is another voice it is a voice coming from a stranger who really looks a lot like me but who is actually not me it is this other self which has been kept all this time locked up inside a box the same box that I had put in a drawer before
the hour passes on the paintings falling from the walls one after the other slowly the sixteen paintings fall down on the floor before turning into dust
I get up from my rattan chair I open the drawer I take out the box I open it and silence flies away
the play is over
as all the actors are dead
and it is time to cry
Dénué
~Ivan de Monbrison
l’étendue au loin de ce qu’on attend plus
le silence posé de l’autre côté
je ne sais plus
j’ai oublié ton nom
Je regarde le ciel
les nuages vont et viennent l’un après l’autre l’autre et puis s’enlèvent comme des habits
des habits de nuages
la mer
nous n’irons pas plus loin car la porte est fermée et dans la pièce personne ne parle
hier je t’ai revu l’espace d’un instant errant de l’autre côté du miroir il n’y avait rien à dire et rien à penser
le silence est blessé quelqu’un murmure tout bas mais je ne sais pas quoi peut-être est ce un poème, peut-être à ce le vide peut-être est-ce l’ascèse peut-être est-ce le trop-plein d’un vase quand il va déborder une fois qu’on l’a rempli de fleurs
il y a des tableaux accrochés au mur en face je suis assis sur une chaise en rotin et j’en compte un deux trois quatre cinq six sept huit neuf dix onze douze treize quatorze quinze seize
il y a seize tableaux accroché au mur et puis il y a la lampe trouvée dans la rue et puis il y a le lit défait et les habits qui sont tombés par terre d’eux-mêmes pendant la nuit comme des cadavres les habits qui traînent par terre ressemblent à des cadavres disloqués qui marcheraient la nuit sans faire de bruit
il y a aussi
une vieille théière achetée à des gitans dans un marché pour pauvres il y a là un bout de solitude et surtout j’imagine un morceau sans peau de moi-même
on perd l’habitude d’être soi on perd l’habitude de penser on perd l’habitude de mourir on perd l’habitude d’aimer nous n’irons pas plus loin car la porte est restée fermée il n’y a plus rien plus rien à faire plus rien à oublier
je range le silence dans une boîte sans fond je range cette boîte dans un tiroir je ferme le tiroir ainsi le silence peut rester longtemps enfermé un peu comme un trésor comme le trésor seul de l’instant perdu de l’instant suspendu dans le vide suspendu dans le temps de cet instant choisi parmi tant d’autres et posé dans l’espace comme un mot isolé dans une phrase ininterrompue comme l’homme qui est lui-même parmi d’autres perdu et ininterrompu comme la vie immédiate s’en va et comme la vie s’oublie et ne se rattrape plus
je me souviens de toi je regarde ton reflet qui a fondu dans le miroir un peu comme dans l’obscurité du soir car si le miroir est sans tain il ne reflète plus rien le miroir sans tain est noir comme la fosse d’une tombe où ton cadavre aurait été jeté où je te regarderais lentement te mutiler lentement t’effacer lentement te dissoudre devenir la terre même et puis lentement un autre
il n’y a plus rien à dire
le silence est resté enfermé dans sa boîte et quelqu’un parle encore et ce n’est pas moi pour autant c’est une autre voix c’est une voix venue de quelqu’un qui me ressemble tant mais qui n’est pas moi-même c’est cet autre soi-même qui est resté tout ce temps là enfermé dans la boîte elle-même dans un tiroir
l’heure passe les tableaux tombent du murs l’un après l’autre lentement les seize tableaux tombent sur le sol et se changent en poussière
je me lève de ma chaise en rotin j’ouvre le tiroir je sors la boîte je l’ouvre le silence s’échappe
la pièce est terminée
les acteurs sont tous morts
il est temps de pleurer